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26-10-2011, Paris

Séraphin Rehbinder : l'ACOR-Nice s'est engagée dans une voie qui risque de lui être dangereuse

La revue officielle du patriarcat de Moscou "Tzerkovny vestnik" publie le 26 octobre une interview d'Elena Maler-Matiasova avec Séraphin Rehbinder, président de l'OLTR (l’un des fils de l’archiprêtre Alexandre Rehbinder) à propos du Communiqué de l’Association en date du 15 octobre 2011. Il s'y agit de l’affaire de Nice ainsi que du devenir de l'Archevêché

E.M. - Séraphim Alexandrovitch, le conflit autour de la cathédrale Saint Nicolas n’a toujours pas trouvé de solution. Ce conflit date d’il y a plus d’un an et les parties qui y sont impliquées n’ont toujours pas réussi à entamer des pourparlers. Envisagez-vous une issue concertée ? Quelles sont les raisons qui ont empêché que des négociations puissent avoir lieu ?

S.R. - Une issue pacifique était tout à fait envisageable, et il faut le rappeler, la Russie n’a jamais eu recours à la force, comme ses adversaires le disent aujourd’hui, au contraire, elle a fait son possible pour que des pourparlers puissent s’engager.

A commencer par 2007, lorsque l’ambassadeur de la Fédération s’est adressé à l’évêque en charge de l’exarchat des églises orthodoxes russes en Europe occidentale pour lui annoncer que la Russie a l’intention de faire valoir ses droits sur la cathédrale Saint Nicolas à Nice. Il a précisé que l’Etat russe est disposé à proroger le bail venant à expiration avec l’ACOR Nice, personne juridique représentant la cathédrale. Il fallait pour cela que l’ACOR accepte le transfert de propriété et cesse de prélever un paiement pour le droit d’entrée dans la cathédrale. L’ACOR ne donna aucune réponse à cette proposition. Elle se mit à répandre des récriminations visant le patriarcat de Moscou ainsi que la Russie post soviétique. L’ACOR estimait qu’elle était depuis longtemps chez elle à la cathédrale et que la Russie n’avait pas la moindre revendication à faire valoir. Or, si l’ACOR avait alors accepté d’entendre les arguments de la Russie et de proroger le bail la situation ne serait certainement pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Actuellement, comme de par le passé, la Russie appelle aux négociations. L’association cultuelle présidée par l’archiprêtre Jean Gueit fait la sourde oreille et tout porte à croire qu’elle n’acceptera jamais de converser avec Moscou. Le dialogue n’a, de même, pas pu jusqu’à présent s’établir entre Mgr Nestor, évêque de Chersonèse (patriarcat de Moscou) et Mgr Gabriel de Comane qui, à chacune des rencontres, met fin à la conversation arguant qu’il n’est pas habilité à décider et qu’il lui est indispensable de consulter les responsables de l’ACOR. Des accusations fusent de partout incriminant la Russie de mener une action agressive unilatérale alors que cela ne correspond en rien à la réalité, bien au contraire. C’est en effet l’archevêché et l’ACOR qui fuient les contacts et agissent d’une manière unilatérale. Ils s’emploient à susciter des scandales et à se présenter en victimes. Ils font de leur mieux pour attirer l’attention des médias français et, dans la mesure du possible, les sympathies des Niçois.

E.M. - Quelle est la situation à la cathédrale Saint Nicolas ? Est-il exact que le nouveau recteur ne peut y officier ? Que la cathédrale reste fermée hors des heures des offices et que des panonceaux antirusses sont placardés à son entrée ?

S.R. - Malheureusement tout ceci est exact et j’en suis témoin. L’archiprêtre Nicolas Ozoline, le nouveau recteur nommé par le patriarcat de Moscou, s’est comporté dès son arrivée à Nice de la manière la plus courtoise, il a montré qu’il était entièrement disposé au dialogue et qu’il souhaitait trouver une solution concertée à tous les problèmes. D’emblée il a proposé au père Jean Gueit, l’ancien recteur, de concélébrer avec lui. Plusieurs offices conjoints ont pu avoir lieu. Mais assez rapidement le Conseil de l’archevêché (le père Jean en est membre) a condamné cette pratique ce après quoi Mgr Gabriel a interdit au père Nicolas Ozoline l’accès à l’autel de la cathédrale. Le père Jean Gueit continue à présider les offices alors que le père Nicolas Ozoline se rend à la cathédrale pour y prier mêlé à l’ensemble des fidèles.

Comme vous le savez le premier souhait exprimé par la partie russe était de cesser de prélever les droits d’entrée dans la cathédrale (3 € par personnes) instaurés depuis de longues années. L’ACOR a obstinément refusé d’accepter ce souhait. La Russie s’est vue contrainte de déclarer qu’étant le propriétaire légitime de la cathédrale depuis 2008 elle se réserve le droit de demander que lui soit reversé le total des sommes collectées depuis cette date. Cette éventualité a incité l’ACOR à supprimer, après réflexion, le prélèvement des droits d’entrée. Sans y être autorisée l’Association a restreint l’accès à la cathédrale. L’église n’est maintenant ouverte que pour la durée des offices, le reste du temps elle est verrouillée. Or, des masses de touristes venant du monde entier y affluent pour admirer cet admirable monument de l’architecture et de l’histoire russes. Cette insolite décision serait aux yeux de l’ACOR justifiée par le refus de la Russie de faire payer les visiteurs. Des affiches ont été placardées à l’entrée de la cathédrale disant que la Fédération a interdit de percevoir des droits d’entrée ce qui prive l’ACOR de continuer à rémunérer les salariés de la cathédrale. Encore une occasion pour l’ACOR de culpabiliser la Russie.

E.M. - L’ambassadeur de Russie en France, S.E. Alexandre Orlov, a récemment exprimé son indignation du fait que les responsables de l’ACOR s’estiment en droit de continuer à disposer d’un lieu qui appartient à son pays. L’ambassadeur a précisé qu’il était disposé à s’adresser aux tribunaux. Faut-il s’attendre à de nouvelles procédures ?

S.R. - En effet, il est plus que possible qu’il faudra de nouveau aller en justice afin d’obtenir l’expulsion de ceux qui se maintiennent dans les lieux contre le droit. Ceux qui résistent à l’application de la loi ont maintenant recours à de nouveaux arguments. Ils ne mettent plus en doute les arrêts adoptés par la justice française. Ils sont entièrement d’accord avec le fait que la cathédrale appartient en droit à la Russie. Mais désormais ils déclarent que la Russie n’est pas compétente à disposer de l’avenir canonique de la cathédrale et d’y désigner des clercs. Autrement dit, - l’église vous appartient, elle est la propriété de la Fédération de Russie mais vous n’avez pas le droit d’y nommer des prêtres. Telle est actuellement la posture de l’ACOR.

E.M. - Peut-on en conclure que les difficultés ne sont plus d’ordre juridiques et qu’elles relèvent désormais du droit canon ?

S.R.- Oui, en effet, le père Jean Gueit et l’ACOR estiment que l’Eglise orthodoxe russe n’a pas sa place en Europe occidentale. Il s’agirait d’un espace qui ne relèverait pas du territoire canonique de l’Eglise orthodoxe russe. C’est ce qui leur fait dire et répéter : « L’Eglise russe et le patriarcat de Moscou n’ont rien à faire chez nous » .

Pour ce qui est de la juridiction du patriarcat de Constantinople, les choses sont vues tout à fait autrement. L’archevêché estime se trouver sous « l’omophore du patriarche de Constantinople » mais ceci seulement afin de se percevoir indépendant. C’est comme s’ils se servaient l’un de l’autre : Constantinople étaye ses revendications juridictionnelles à l’égard de l’ensemble de la diaspora orthodoxe alors que l’archevêché en tire la conclusion de sa propre indépendance. L’archevêché se réjouit de voir que Constantinople ne s’ingère pas trop dans ses affaires. Il voudrait être indépendant à l’égard de Constantinople. Leur objectif consiste, et ils ne rêvent que de cela, à installer une Eglise locale totalement indépendante. L’archevêché n’a cesse de répéter qu’il est le seul à regrouper en France les orthodoxes libres de tout phylétisme. Il s’affirme être la seule et unique structure ecclésiale non tributaire d’un Etat quel qu’il soit.

E.M. - Quelle est en l’occurrence l’attitude du patriarcat de Constantinople ? Que peut-on dire de la missive du patriarche Bartholomé à l’occasion du anniversaire de la cathédrale Saint Alexandre à Paris ?

S.R. - Les relations avec Constantinople n’ont pas toujours été aisées. Cela s’explique essentiellement par les revendications de Constantinople d’être le coordinateur des Eglises orthodoxes car sa juridiction s’étendrait soit disant à l’ensemble des pays de la diaspora orthodoxe. En voici un exemple : une Assemblée des évêque orthodoxes de France (AEOF) a été mise en place. On y supposait une coopération sur des bases d’égalité entre les évêques représentant les Eglises orthodoxes présentes en France. Or, le patriarcat de Constantinople a réussi à faire valoir que la décision en ultime recours appartenait à l’évêque de l’Eglise de Constantinople et qu’il lui incombait donc de présider l’AEOF. Tout récemment la Commission interorthodoxe réunie à Chambésy a institué un principe de coopération interorthodoxe fondé sur des bases justes . Il a été décidé à Chambésy que l’AEOF ne peut prendre des décisions qu’à l’unanimité. Ainsi, l’évêque représentant Constantinople s’est trouvé à pied d’égalité avec les autres membres de l’Assemblée. Cela correspond aux principes fondamentaux des relations entre les Eglises orthodoxes.

Je crois pouvoir dire que ce ne sont ni Constantinople, ni Mgr Gabriel qui incarnent actuellement la force motrice de l’opposition à Moscou mais un groupe de membres du conseil de l’archevêché dont fait partie le père Jean Gueit. Je dirai plus : j’ai le sentiment que ce conflit et toutes les dissensions qui se sont fait jour autour de l’archevêché ne sont pas du tout du goût de Constantinople. J’en veux pour preuve la missive du patriarche Bartholomé à l’occasion du 150 anniversaire de la cathédrale saint Alexandre à Paris. Il y est question « de renforcer les passerelles qui permettent nos relations avec l’Eglise sœur du patriarcat de Moscou. Les temps ont changé. L’esprit de la polémique est resté derrière nous. Il nous faut panser les plaies infligées par l’histoire et renoncer une fois et à jamais à toute hostilité ».

E.M. - Pouvons-nous espérer que ces sages paroles du patriarche de Constantinople auront leur effet sur la situation à Nice à l’horizon 2012 lorsque la cathédrale Saint Nicolas célèbrera son 100e anniversaire ?

S.R.- Je crois qu’une solution sera trouvée sous peu. Les situations conflictuelles et la coercition ne sont certes pas à exclure, je ne vois pas d’autres issues si l’ACOR persévérait dans son refus de la conciliation. L’ACOR entendra-t-elle l’appel du patriarche de Constantinople « Il nous faut panser les plaies infligées par l’histoire et renoncer une fois et à jamais à toute hostilité » ? Malheureusement ils se perçoivent comme une structure indépendante de tous, de Moscou, comme de Constantinople.

Ils commencent à se sentir comme étant les seuls et uniques authentiques orthodoxes, ni phylétistes, ni nationalistes, ni tributaires d’un quelconque Etat, ni en violation des décisions adoptées par le concile de Moscou 1918… C’est un état d’esprit qui force l’inquiétude. Cette perception de soi risque d’induire en orgueil et de faire mépriser les autres. C’est un sentiment inhérent aux sectes qui s’éloignent de l’Eglise. En effet, les sectaires se sont immuablement considérés être les seuls orthodoxes authentiques. Seule une appartenance ferme à l’Eglise apostolique est à même de contrer cette tentation.

Nous regrettons que l’Archevêché soit hostile à l’Eglise orthodoxe russe et que ses relations avec l’Eglise de Constantinople ne soient que formelles alors que l’Eglise locale dont il projette la création est totalement inexistante. Espérons que Dieu ne laissera pas l’archevêché s’égarer d’une manière irrémédiable et l’aidera à trouver la place qui lui revient au sein de l’Eglise universelle.

PO